Pourquoi toujours opposer LegalTech et avocats ?

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Pourquoi toujours opposer LegalTech et avocats ?

Ce débat – qui n’en est souvent pas un tant les positions des uns et des autres sont tranchées – m’intéresse, m’intrigue et m’agace parfois.
Il peut d’ailleurs être étendu aux juristes d’entreprise qui ne voient pas toujours d’un bon œil l’arrivée des outils numériques dans leur direction juridique, et pourtant…
Aux notaires, aux huissiers, bref : aux professionnels du droit.
Impossible de « rendre le droit ou la justice accessible » sans être animé par la seule volonté d’évincer les – vrais, purs et authentiques – professionnels du droit ?
Impensable de proposer une legaltech utile et sérieuse si l’on n’est pas avocat ou juriste ?

C’est pourtant tout l’inverse…et cela participe à ce mouvement positif d’ouverture du savoir en général et de développement des technologies en particulier.

Considérer les legaltech et penser qu’il y a là une menace pour l’avocat ou le juriste est une erreur, tout autant que de penser qu’une profession peut perdurer sans aucune évolution et sans être à l’écoute du monde qui l’entoure.

Limitons-nous ne serait-ce qu’aux traits les plus caractéristiques :

Les legaltech, aussi développées soient elles, ne pourront jamais faire du « conseil » au sens propre du terme – revenons sur ce terme galvaudé mais qui est pour moi l’essence même de la profession : conseiller son client (interne ou externe), c’est l’écouter, échanger, questionner et prendre en cause un nombre de facteurs humains, techniques, économiques et juridiques (bien évidemment !) considérables pour identifier les risques, développer des arguments, élaborer une stratégie.

Avocats et juristes, aussi compétents soient ils, ne pourront jamais rivaliser avec une technologie qui permet de consulter toutes les décisions de jurisprudence en quelques dixièmes de seconde servant de socle à leurs conclusions et notes ou de rédiger les parties standards des contrats en quelques minutes – leur laissant ainsi toute leur valeur ajoutée et leur temps pour le sur-mesure.

De tout cela ressort une complémentarité dont il n’y a pas à craindre mais à espérer, organiser certainement, collaborer assurément, progresser manifestement.

Donner les outils à M. et Mme Toutachacun de comprendre un peu plus, un peu mieux le droit et d’avoir un accès facilité à la justice est une réelle avancée qui bénéficie à tous :

particulier et entreprise peuvent alors se poser les bonnes questions, en mesurer l’importance et prendre rendez-vous avec un avocat ou avec leur juriste d’entreprise, ce qu’ils n’auraient pas fait jusqu’ici…puisqu’ils ne connaissaient même pas – ou à peine – l’existence du sujet !

avocats et juristes accroissent leur visibilité, leur incontournable nécessité, leur expertise : un avocat ne gagne pas sa vie avec la rédaction des mentions légales minimales d’un site web non marchand, un juriste n’a aucun intérêt intellectuel à répondre 10 fois par semaine à la même question « basique » de droit posée par ses opérationnels – en toute légitimité – et pour laquelle ils sont aptes à comprendre la réponse avec le bon outil d’information et un langage adapté…

L’émergence des legaltech bouscule certainement le monde du droit et c’est une bonne chose : assurons-nous de débats de qualité, posons-nous des questions et exploitons cette complémentarité avant de rejeter en bloc une évolution annoncée depuis plusieurs années et d’entretenir un clivage qui n’a pas lieu d’être.

Ghislaine Brenas
Professionnelle du droit et Legaltech convaincue

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